La fille du géant
Les ruines du Nideck sont perchées sur une arête rocheuse, au fond des bois, dans le vallon de la Hasel. Elles sont composées de deux châteaux : le Grand-Nideck en haut, séparé de la montagne par un fossé, et le Petit-Nideck en contrebas, dont il subsiste un donjon carré. Vous pourrez emprunter le chemin des géants, un circuit de visite de la forêt et des ruines qui rassemble plusieurs œuvres d’artistes sur ce thème fortement lié au lieux.
On raconte qu’un immense château, jadis, surplombait la plaine, habité par une famille de géants. Ils y vivaient en harmonie avec la nature et n’avaient de contact avec les humains de la vallée que lorsqu’ils désiraient s’approvisionner. Ainsi, leur immense fillette s’amusait seule au château et gambadait dans la forêt, avec pour uniques amis les arbres et les animaux.
Une après-midi cependant, ses jeux l’emmenèrent plus loin qu’à l’accoutumée. Elle descendit la montagne à grandes enjambées et se retrouva rapidement en lisière de forêt. Voyant de merveilleuses choses inconnues tout autour d’elle, la fillette s’avança et découvrit des champs dorés, des fleurs, des animaux nouveaux et des bâtisses qu’elle trouva minuscules et très jolies. Continuant son exploration, elle croisa finalement le chemin d’un paysan et de son attelage : un chariot rempli de sacs de blé. Devant l’énorme enfant, l’homme stoppa net ses chevaux et resta immobile, terrifié.
La fille du géant se baissa pour mieux l’observer et les yeux pleins d’étoiles, se dit qu’elle venait de trouver les plus beaux jouets au monde. Elle prit délicatement le chariot dans ses mains, le souleva de terre et le posa sur ses genoux. Remontant l’ourlet de sa robe pour y garder le petit paysan et son attelage, elle se leva et repartit dans la montagne en chantant, toute fière de sa trouvaille.
Elle arriva au château le soir et courut vers son père pour lui montrer sa découverte. Celui-ci sourit en voyant sa fille arriver.
« Père, père, regardez ce que j’ai trouvé ! N’est-ce pas le plus beau de tous les jouets ? »
Sortant le chariot des plis de sa robe, elle posa sur la table le fermier transi de peur, totalement recroquevillé sur lui-même. Elle sautilla de joie sur place face à sa merveilleuse trouvaille mais lorsqu’elle demanda à son père si elle pouvait le garder, celui-ci répondit :
« Ma fille ce que tu nous ramènes là est un paysan ! C’est un être vivant et non un jouet. Vois-tu, ils cultivent les champs, récoltent le blé et produisent de la farine et des légumes. Ce sont de bien braves gens. Et par-dessus tout, ils sont indispensables à la société : sans eux, tu n’aurais pas de pain. Je te demande donc de ramener cet homme et son attelage chez lui, et de lui présenter tes excuses. »
Le paysan, en entendant les paroles du géant, sortit de sa stupeur et s’inclina pour l’en remercier. La petite fille s’excusa et, reprenant dans ses mains le chariot, le transporta jusqu’au bas de la montagne avec d’infinies précautions. Enfin, elle le posa doucement sur une route, le remercia pour tout ce qu’il faisait et repartit en gambadant jusqu’à chez elle.