La légende de Mathilde
Le château de Morimont, situé entre Oberlarg et Levoncourt, dans le Jura alsacien, possède de nombreux vestiges de défense ainsi qu’une cave voûtée. Enveloppé dans un écrin de verdure, le lieu possède une réelle atmosphère de conte de fée !
Il était une fois la petite Mathilde, une enfant bénie par une nymphe qui connut une enfance tragique. Elle était la fille de la dame de Morimont qui mourut peu de temps après sa naissance. Son père, le seigneur du château, périt une dizaine d’années plus tard dans les flammes d’un terrible incendie. Elle se retrouva livrée à elle-même très jeune et quitta les terres du château, simple paysanne aux yeux de tous.
L’orpheline devint gardeuse d’oie dans un village plus au nord et sa marraine, une nymphe vivant dans les eaux du fleuve, veillait sur elle. Un beau jour, elle lui offrit une pomme magique. « Tu as mené une vie dure, mon enfant et perdu tout ce que tu avais très jeune. Tu mérites maintenant un peu de chance, voilà pourquoi je t’offre cette pomme. Elle réalisera trois de tes souhaits et te rendra invisible quand tu en auras besoin. Il suffira pour cela que tu la tournes 3 fois sur elle-même »
Mathilde remercia de tout cœur sa marraine et mit le fruit en sécurité dans la poche de son tablier.
Un bal organisé par un grand prince de la région fut bientôt annoncé au village. Mathilde, mourant d’envie d’aller danser, se souvint de la pomme de sa marraine et décida de prononcer son premier vœu. Comme la noblesse et les bourgeois du village étaient les seuls à pouvoir profiter du bal, elle demanda une robe merveilleuse, brodée d’arabesques en fils d’argent et bleue comme le ciel, pour faire bonne impression chez le prince.
Le soir du bal, vêtue de la robe étincelante, elle sortit de la grange, tourna la pomme trois fois sur elle-même et devint invisible pour échapper aux rustres paysans qui l’employaient. Une fois le pont-levis passé, le sort se leva et les gardes la laissèrent entrer, la prenant pour une noble.
Son arrivée dans la salle de bal fit forte impression : toutes et tous furent émerveillés par Mathilde dans sa robe aux reflets brillants, telle une rivière scintillant sous le soleil. Le jeune prince la remarqua dès son entrée et n’ayant d’yeux que pour elle, l’invita aussitôt à danser. La soirée passa à une allure folle et le jeune homme, sous le charme de l’orpheline, la demanda finalement en mariage lorsque sonna minuit.
Consciente de son mensonge et effrayée à l’idée du prince découvrant qu’elle n’était qu’une gardeuse d’oie, elle s’enfuit par les jardins. Tournant de nouveau la pomme trois fois, elle disparut dans la nuit, le laissant pantois.
Les jours passèrent, le prince se languissait de la jeune fille mystérieuse et décida alors d’organiser un second bal, afin de la revoir. Mathilde, qui souhaitait elle aussi revoir son cavalier, se fia une seconde fois à la pomme et demanda une robe encore plus somptueuse que la première.
Son arrivée au bal fit encore sensation. Elle passa la soirée à danser avec le prince, qui finit par retirer sa chevalière et par la glisser au doigt de la jeune fille. Celle-ci s’excusa et demanda au prince de l’oublier, s’évanouissant dans la nuit grâce au pouvoir de la pomme.
Le prince fut pris d’une grande tristesse face au comportement de sa belle. Usé par ses multiples recherches, toujours vaines, il succombait, rongé par un mal qu’aucuns médecins ne parvenaient à expliquer.
Mathilde, apprenant la nouvelle, regretta amèrement de ne pas avoir accepté la demande du prince. Elle décida d’agir, prépara un bouillon avec les herbes du jardin et se présenta au château. Elle tenta de confier sa précieuse décoction à la gouvernante en affirmant que cela soignerait le prince. En vain : on la renvoya chez elle.
Le lendemain, alors qu’elle emmenait ses oies sur la rive du fleuve, elle entendit des marchands évoquer le prince, dont l’état s’était encore aggravé. Sa fin était proche. La jeune fille repartit alors à vive allure vers la grange.
Elle récupéra les herbes aromatiques, mit une marmite sur le feu et prépara à nouveau le bouillon. La marmite au bras et un bol dans l’autre, elle se présenta au château et demanda de nouveau à voir la gouvernante.
« Il n’y a plus espoir, jeune fille, dit celle-ci en la voyant arriver, l’air triste. Tous les médecins de la région ont tenté de sauver notre pauvre prince, et toi, tu crois que ton bouillon le remettra sur pied ? Eh bien soit, il nous quittera au moins avec un peu de réconfort. »
Mathilde remplit alors son bol de bouillon et pendant que la gouvernante donnait des ordres à quelques serviteurs, fit tomber la chevalière du prince dans celui-ci.
Le prince, sitôt qu’il eut avalé son contenu, vit la bague rouler au fond et se redressa d’un bond, demandant qu’on lui apporte la jeune fille qui avait préparé le bouillon. Mathilde bredouilla devant le prince qu’elle n’était qu’une simple gardeuse d’oies. Ce dernier, qui l’aimait pour elle-même, la demanda une troisième fois en mariage.
Ils se marièrent quelques semaines plus tard. En guise de cadeau, Mathilde offrit à son prince le dernier vœu qu’elle avait reçu de sa marraine. Sans surprise, le prince souhaita qu’ils vécussent heureux jusqu’à la fin de leurs jours. Et sans surprise, cette histoire s’achève ainsi !